Les problématiques liées au handicap dans le processus électoral et recommandations pour une démocratie inclusive
Cette note analyse les obstacles rencontrés par les personnes en situation de handicap dans le processus électoral en France.
Malgré les lois de 1975, 2005 et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), des barrières subsistent tant dans le militantisme que dans tout le processus électoral.
Les communications gouvernementales relatives au vote sont une chose, la réalité, une autre. Du temps de Jean Castex, une communication officielle montrait un dessin avec des personnes en fauteuil roulant se rendant dans un isoloir… https://www.info.gouv.fr/actualite/des-bureaux-de-vote-accessibles-pour-les-personnes-en-situation-de-handicap .
Mais cette image ne correspond pas à la réalité vécue par les concernés : les isoloirs ne sont pas toujours assez larges pour permettre à un fauteuil roulant d’y rentrer ou d’y manœuvrer SEUL, les urnes ne sont pas accessibles (trop hautes par exemple) et les bureaux de vote eux-mêmes en tant que lieux, ne sont pas toujours accessibles à tous (rampes obsolètes, écoles anciennes avec une accessibilité pensée dans les années quatre vingt donc inadaptée, absence de transports en commun à proximité ou permettant le trajet domicile/lieu de vote, etc.).
Pour les handicaps moteur, donc, les difficultés sont certaines.
Le dessin de Castex en tout cas, est en partie validiste, puisqu’il ne prend en compte “que” les handicaps moteur. Rien n’est pensé pour les autres handicaps.
Parfois, là aussi, une note gouvernementale apparaît pour suggérer, inciter, mais ces incantations à la “#BrunoDemande” n’aboutissent à aucune amélioration sur le terrain.
Charlotte Parmentier Lecoq communique sur la représentativité et le vote des personnes handicapées. Tandis qu’elle communique, il ne se passe rien. Rien depuis des années.
Les sites gouvernementaux sont à cent lieues de la réalité vécue sur le terrain.
Cette note détaille donc les problématiques liées à la candidature, à l’exercice d’un mandat, à l’accès aux campagnes, et au vote, en proposant des recommandations concrètes, incluant l’ajout d’une photo et d’un logo sur les bulletins pour le FALC et des mesures spécifiques pour d’autres handicaps, afin de bâtir une démocratie véritablement inclusive.
1. Problématiques liées au handicap dans le processus électoral
1.1. Être candidat
Incapacités réelles ou supposées des majeurs sous tutelle ou curatelle.
En vertu de l'article L. 230 du code électoral, les majeurs placés sous curatelle sont inéligibles.Mais pourtant, ces personnes peuvent voter. N’est-ce pas là une forme d’inégalité ?
Plusieurs associations de personnes handicapées demandent à ce que les personnes sous curatelle ou sous tutelle, puissent être élues. Nous rajoutons : à condition qu’un juge ne se soit pas prononcé contre cette possibilité (modalités à prévoir).
Des associations telles que Handéo (lien en fin de document) demandent à ce que soient levées toutes les interdictions à candidater.
Inaccessibilité des campagnes : Les réunions publiques et déplacements sont souvent inadaptés (trottoirs hors d’état, absence de transport adapté, salles inaccessibles, sans rampes, absence d’interprètes en langue des signes - LSF, manque de supports FALC, luminosité, bruits…), limitant la participation des candidats handicapés, y compris ceux avec des troubles cognitifs ou psychiques.
Coûts supplémentaires : Les aménagements (transports adaptés, assistants, technologies adaptatives) ne sont pas pris en charge, ce qui peut être particulièrement lourd pour les candidats nécessitant un accompagnement spécifique. Les aides humaines accordées par la MDPH sont fort maigres et si elles sont consacrées aux campagnes, il ne reste rien pour les activités courantes.
Préjugés : Les stéréotypes sur les handicaps et sur la capacité des personnes handicapées découragent les candidatures, malgré les garanties de la CDPH.
Des candidats renoncent en cours de campagne, des élus rendent leurs mandats.
Dans la France entière, la participation des militants en situation de handicap à la vie politique est minorée, entravée ou découragée.
Dans le milieu militant, des “fais un effort, c’est que trois marches”, “mais hier tu pouvais”, “c’est quoi ton problème”, “arrête ça” (à un autiste en train de stimmer), “bah milite sur les réseaux si tu sais pas tracter”, “T’es fatigué ? Fallait pas militer/pas venir”; “t’es sourd ?”/ “on est pas aveugles”/ “débile” dits comme des insultes, s’entendent ou se lisent parfois sur les réseaux sociaux.
Beaucoup de visions “fantasmées” de l’autisme, des neurodivergences en général, des capacités intellectuelles des personnes handicapées, polluent le militantisme comme le processus électoral. L’on se souviendra de Luc Ferry dans ses diatribes insultantes vis-à vis des autistes, qu’il appelle “des fous”. Notre société est, à n’en point douter, frappée d’un capacitisme et d’un validisme systémiques.
1.2. Être élu
Bâtiments inadaptés : Certains lieux institutionnels (parlements, mairies) manquent d’accessibilité physique (rampes, ascenseurs) et sensorielle (boucles magnétiques, sous-titrage), mais aussi d’aménagements pour les handicaps invisibles, comme des espaces calmes pour gérer l’anxiété ou la surcharge sensorielle.
L’exemple des premiers députés en fauteuil roulant est assez parlante à ce titre.
Prenons le cas de Sébastien Peytavie, deuxième député en fauteuil roulant, mais le premier sous la Ve république.
S’il y avait eu plusieurs députés en FRM, ou en FRE, comment l’assemblée nationale aurait-elle géré la situation ?
Ce député est privé, de fait, de perchoir.
Comment cela se serait-il produit, s’il avait été élu vice-président de l’Assemblée nationale ?
Le fait que le sénat ait refusé de supprimer le vote assis-debout est emblématique du validisme systémique au sein de nos institutions.
Manque de moyens : Les élus handicapés peuvent avoir besoin d’assistants dédiés, formés, de matériel spécifique ou d’horaires aménagés, non systématiquement financés.
Sous-représentation : Les personnes handicapées, en particulier avec des handicaps invisibles, sont quasi absentes des élus, reflétant un manque de diversité. 20 à 25% de la population est en situation de handicap, une personne sur deux en France connaîtra au cours de sa vie une situation de handicap, provisoire ou définitive, et, malgré ces chiffres, les élus handis sont rares.
1.3. S’intéresser aux campagnes électorales
Supports non adaptés : Les professions de foi, bien que censées être en FALC depuis 2022, restent souvent trop complexes ou indisponibles en braille et audio-description, excluant les personnes malvoyantes ou avec des déficiences cognitives. Le non respect de certaines préconisations telles que le contraste par valeurs (au lieu du contraste par couleurs) prive par ailleurs nos concitoyens daltoniens d’un accès plein et entier aux supports.
Absence d’un journal télévisé adapté en FALC ou d’autres média FALC
Aucune chaîne publique ou privée à ce jour n'a pris la peine de prévoir un espace accessible, tel qu’un journal hebdomadaire de quelques minutes, adapté aux lecteurs de FALC. Dans une société où les médias revêtent une grande importance, ce manque flagrant exclut nos concitoyens lecteurs de FALC des débats.
Dans la même veine, les articles de presse en format FALC sont rares. Notre Comité en publie, mais combien sommes-nous à systématiser cette pratique ?
Les sites internet des candidats, tout comme des élus, avec des versions FALC de leurs articles, n’existent pas. Ou si peu, le temps d’un tract.
Réunions inaccessibles : L’absence d’interprètes LSF, de sous-titrage, ou de salles adaptées marginalise les personnes sourdes, malentendantes, ou à mobilité réduite. Les environnements bruyants ou surpeuplés des meetings peuvent aussi être insupportables pour les personnes avec autisme ou troubles psychiques.
Fracture numérique : Les sites internet des candidats, pour certains non conformes aux normes en vigueur, sont inutilisables pour les utilisateurs de technologies d’assistance.
1.4. Voter
Inscription sur les listes électorales:
Les personnes en établissements médico-sociaux, déjà ségrégués, le sont une deuxième fois. Ils et elles manquent d’information ou d’accompagnement pour s’inscrire.
Les personnes sous tutelle ou curatelle n’ont fait l’objet d'aucune campagne spécifique et sont donc tenues à l’écart des votes.
Accessibilité des bureaux de vote : Malgré l’article L. 62-2 du Code électoral, des lacunes persistent.
Handicaps physiques et sensoriels : Manque de rampes, d’isoloirs adaptés, ou de bulletins en braille pour les malvoyants.
Handicaps invisibles : Les bureaux de vote sont rarement conçus pour les troubles psychiques, neurologiques, ou autistiques. Les environnements bruyants, les longues files d’attente, et le manque d’espaces calmes provoquent stress, anxiété, ou surcharge sensorielle. Par exemple, une personne autiste peut être incapable de voter dans un bureau bondé sans un espace de repli.
Déroulement du vote :
Identification des candidats : Les bulletins textuels sont incompréhensibles pour les personnes utilisant le FALC ou ayant des déficiences cognitives, compromettant leur autonomie. Le daltonisme ou d’autres altérations de la vue, ne sont pas plus prises en compte.
Dépendance à un accompagnateur : L’assistance (art. L. 64) peut menacer le secret du vote.
Manipulation des bulletins : Les bulletins, mal disposés (tables hautes, absence de marquage tactile), sont difficiles à utiliser pour les personnes à mobilité réduite ou malvoyantes.
Hauteur des urnes : Les urnes et le dispositif l’entourant, ne sont pas toujours adaptés aux personnes à mobilité réduite ou aux troubles de la préhension.
Vote par procuration : Sous-utilisé par manque d’information, surtout pour les personnes avec handicaps invisibles qui en sont réduits à préférer l’évitement des bureaux de vote en raison de l’anxiété ou de la surcharge sensorielle.
2. Recommandations pour une démocratie inclusive
Pour lever ces barrières, voici des recommandations concrètes, structurées pour votre commission.
2.1. Faciliter la candidature des personnes handicapées
Sensibilisation :
Lancer une campagne pour encourager les candidatures,
Déconstruire les préjugés sur les handicaps auprès des militants, des élus en place, des instances... (Se rapprocher d’associations de personnes concernées, et non d'associations gestionnaires)
Revoir les conditions d’éligibilité/inéligibilité des personnes sous tutelle ou curatelle
Fonds dédié : Créer un fonds national pour financer les aménagements des campagnes (transports adaptés, assistants formés aux handicaps invisibles, supports FALC).
Proposer de supprimer le plafond des dépenses pour les campagnes électorales dès lors que ces dépenses sont liées au handicap.[Déplafonner le remboursement des frais de campagne pour couvrir les besoins spécifiques liés au handicap (accessibilité, aides humaines, etc.)]
Accessibilité des campagnes :
Imposer des réunions publiques accessibles (rampes, LSF, FALC, espaces calmes pour les troubles psychiques) avec des contrôles par la CNCCEP.
Imposer du matériel de campagne et des réseaux accessibles à toutes et à tous (tracts, sites, publications)
2.2. Adapter l’exercice des mandats
Mise aux normes : Rendre les bâtiments publics accessibles, avec des espaces calmes pour les élus avec troubles psychiques ou autisme.
Soutien financier : Allouer des budgets pour les élus handicapés (assistants formés, technologies, horaires aménagés).
Formation : Sensibiliser les instances aux handicaps, pour un environnement de travail inclusif.
2.3. Rendre les campagnes électorales accessibles
Supports inclusifs : Rendre obligatoire les professions de foi en braille, FALC, et supports pour les autres handicaps, audio-description, avec des sanctions pour non-conformité.
Réunions accessibles : Exiger des interprètes LSF, du sous-titrage, des salles adaptées, et des espaces calmes pour les meetings, avec un guide national.
Numérique : Imposer la conformité pour les sites et l’accessibilité des réseaux sociaux des candidats (sous-titres, description, FALC, etc.), avec audits.
2.4. Garantir un vote autonome et accessible
Instruction civique : Financer des ateliers avec des associations de personnes concernées (non avec des associations gestionnaires), de l’inscription sur les listes électorales au déroulement du vote, jusqu’aux tendances des candidats.
Simplifier l’inscription sur les listes électorales :
Campagnes d’information ciblées pour les personnes en situation de handicap, avec des supports en corrélation du handicap
Combler les manques liés aux inscriptions “automatiques” à 18 ans, si les personnes ont manqué le recensement.
Améliorer l’accessibilité des bureaux de vote :
Handicaps physiques et sensoriels : Audits annuels de l’accessibilité, généralisation des bulletins en braille, loupes, bulletins accessibles aux lecteurs de FALC et aux autres handicaps visuels et isoloirs adaptés.
Handicaps invisibles :
Créer des espaces calmes dans chaque bureau (salles isolées, faible éclairage, sans bruit) pour les personnes avec autisme, troubles psychiques, ou neurologiques.
Instaurer des files prioritaires pour réduire l’attente, qui peut être source d’anxiété.
Former les assesseurs à reconnaître les besoins et accompagner les handicaps (ex. : communication claire, accompagnement, consentement).
Faciliter l’identification et le vote :
Photo et logo sur les bulletins : Intégrer une photo du candidat et le logo du parti sur chaque bulletin pour les utilisateurs du FALC.
Cette mesure aide les personnes avec des déficiences cognitives ou des difficultés de lecture à identifier visuellement leur choix, renforçant leur autonomie et le secret du vote. Les logos, familiers via les campagnes, et les photos, associées aux professions de foi, simplifient la reconnaissance.
Disposition adaptée :
Placer les bulletins sur des tables accessibles (hauteur 0,70-0,80 m) avec des marquages tactiles.
Revoir la hauteur des urnes (inaccessibles pour une personne en fauteuil roulant). Revoir les isoloirs (soit trop petits pour qu’un fauteuil puisse manoeuvrer, soit les rideaux sont trop courts et ne permettent pas le respect de la confidentialité).
Formation des assesseurs : Former le personnel à préserver la confidentialité et à accompagner les électeurs .
Promouvoir le vote par procuration : Simplifier les démarches (en ligne, à domicile) et promouvoir ce dispositif pour les personnes avec handicaps invisibles évitant les bureaux de vote pour cause de surcharge.
Conclusion
Les personnes handicapées méritent un accès équitable au processus électoral.
Les efforts de communication adaptée et d’accessibilité au cours du processus électoral et des mandats doivent se poursuivre et s’étendre à toute la vie politique.
Aujourd’hui, combien de personnes essaient de suivre les débats à l’assemblée nationale sans le pouvoir ? Combien de personnes recherchent en vain la description des images sur les réseaux sociaux (visuels, photos, CP en Jpeg) sans la trouver ?
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Sources :
Code électoral (art. L. 62-2, L. 64)
Loi du 11 février 2005
Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
Sites : handicap.gouv.fr, service-public.fr
Étude 2020 sur l’inscription électorale
Campagne LFI 2024 « On s’inscrit, on vote insoumis ! »
https://www.erudit.org/fr/revues/aequitas/2023-v29-n2-aequitas08962/1108105ar/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Couthon
Edifiant ! J'espère que vous serez entendus par la commission d'enquête ! Envoyez leur cet article
RépondreSupprimerAntoine LEAUMENT viens voir ici
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