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LES PURGES EN MARCHE

La chute des courtisans

Purges, scandales et justice à géométrie variable dans le camp macroniste


Depuis l’irruption d’Emmanuel Macron sur la scène politique en 2016, les courtisans de la première heure n’en finissent plus de tomber. À mesure que le président s’est installé dans le paysage, s’est affirmé dans les institutions et a étendu son pouvoir personnel, ceux qui l’ont accompagné à ses débuts ont souvent été remerciés, dégradés ou discrètement écartés. Bien plus qu’un simple renouvellement générationnel ou une usure normale du pouvoir, c’est une logique de sélection négative, de caporalisation interne et de gestion verticale qui a systématiquement éliminé les voix divergentes, même parmi les plus fidèles.


LREM, entre effusion initiale et exclusion méthodique

En Marche !, ce « parti gazeux » né dans l’urgence électorale de 2016, a d’abord agrégé une nébuleuse de profils hétéroclites : jeunes ambitieux, élus opportunistes, anciens socialistes en reconversion, patrons séduits, associatifs naïfs, et militants de la dernière heure. De Christophe Castaner à Richard Ferrand, de Jean-Yves Le Drian à Barbara Pompili, nombreux sont ceux qui, ayant accompagné le fondateur dans ses premiers pas, ont été rétrogradés ou poussés vers la sortie dès que leur utilité s’est tarie (Le Monde, 2018).

Derrière l’image d’un mouvement moderne, horizontal, ouvert à la société civile, le parti macroniste s’est distingué par une forme d’hostilité constante envers toute dissidence, même minime. Pour qui ose s’écarter de la ligne présidentielle, la sanction est immédiate : exclusion, mise à l’écart ou disqualification médiatique. L’histoire interne de La République en marche (devenue Renaissance) s’écrit ainsi en creux, dans l’effacement successif de ses propres fondateurs (Le Figaro, 2019).


Des purges silencieuses aux humiliations publiques

Dès la première législature, plusieurs figures issues de la société civile ou du PS ont été marginalisées. L’ancien socialiste François de Rugy, d’abord promu puis lâché en rase campagne lors de l’affaire de ses frais de représentation, a disparu des radars (Libération, 2019). Brune Poirson, ex-ministre et ambassadrice de l'écologie, éjectée du gouvernement dès 2020, s’est éloignée sans bruit (France 24, 2020). Cédric Villani, mathématicien médiatique et étoile montante du macronisme scientifique, a été publiquement désavoué après avoir osé maintenir sa candidature dissidente à Paris (Le Monde, 2020). Les exemples abondent.

Beaucoup ont claqué la porte, comme Aurélien Taché, député de la majorité devenu critique (Le Huffington Post, 2021), ou Matthieu Orphelin, écologiste de la première vague, qui dénonce aujourd’hui un pouvoir « illibéral » (Libération, 2020). D’autres ont été écartés avec fracas, comme Delphine Bagarry, exclue après avoir voté contre le budget (Le Figaro, 2019). D’autres encore, dans un silence glacial, comme Mounir Mahjoubi ou Sacha Houlié, autrefois sur le devant de la scène et aujourd’hui relégués à des seconds rôles ou des postes sans influence réelle (Le Monde, 2021). La liste est longue, et s’allonge à mesure que l’autorité présidentielle se durcit.


La liste noire des macronistes éclaboussés

Mais au-delà des dissidents politiques, ce sont aussi les « fidèles parmi les fidèles » qui ont fini par tomber, souvent pour des raisons plus compromettantes. La liste noire des macronistes empêtrés dans des scandales judiciaires, éthiques ou politiques est révélatrice d’un système qui, tout en prétendant incarner la vertu, a produit son lot de dérives.

Jean-Paul Delevoye, architecte de la réforme des retraites, contraint à la démission en 2019 après la révélation de ses multiples mandats non déclarés (Mediapart, 2019). Christophe Castaner, affaibli par sa gestion du ministère de l’Intérieur et des Gilets jaunes, remplacé sans cérémonie (France 24, 2020). Brigitte Bourguignon, battue aux législatives et abandonnée par la majorité (Le Point, 2022). Et plus récemment encore, Damien Abad, ex-LR rallié puis mis en examen pour tentative de viol (Le Monde, 2022), tout comme l’ex-députée macroniste Laetitia Avia, accusée de harcèlement moral envers ses collaborateurs (Le Figaro, 2021).

L’exemplarité en marche, martelée en 2017, fait grise mine. À chaque remaniement, les affaires remontent, les épurations reprennent, et les seconds couteaux sortent de l’ombre, sans que jamais la promesse de renouvellement moral ne soit tenue.


L’affaire Benalla, point de bascule du macronisme

S’il fallait un point de bascule, c’est bien l’affaire Benalla qui, dès 2018, a fissuré l’édifice. Un collaborateur sans statut clair, filmé en train de frapper un manifestant affublé d’un casque de police, puis couvert par l’Élysée, avec pour toute explication une série de contrevérités proférées devant une commission d’enquête (Le Monde, 2018).

Cette affaire, bien plus grave qu’une simple « faute individuelle », a révélé le fonctionnement opaque du pouvoir macroniste : gestion clanique, confusion entre sphères publique et privée, usage privatisé des forces de sécurité (Libération, 2018). Benalla s’est invité jusque dans les travées de l’Assemblée, avant de disparaître — juridiquement blanchi sur certains volets, médiatiquement oublié sur d’autres — sans que les zones d’ombre ne soient véritablement levées (Mediapart, 2018).


Une justice à géométrie variable ?

Ce qui frappe, au fil des années, c’est le traitement différencié réservé aux proches du pouvoir. Le timing de la justice semble souvent étrangement aligné sur celui du pouvoir politique. Le cas de Richard Ferrand est emblématique : mis en cause dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne dès 2017, il sera blanchi en 2021… avant que la Cour de cassation ne confirme l’arrêt de non-lieu en 2022, l’année même de son éjection de la présidence de l’Assemblée nationale (Le Monde, 2022). Alexandre Benalla, de son côté, a écopé d’une peine symbolique en appel, quand bien même plusieurs infractions graves avaient été retenues (Le Figaro, 2022).

Quant à Gérald Darmanin, accusé de viol en 2017, il n’a jamais été écarté, bien au contraire : successivement promu ministre de l’Intérieur puis de l’Europe, en dépit de plusieurs enquêtes et d’un signalement au procureur (Mediapart, 2017). L’argument de la présomption d’innocence, invoqué avec force pour les ministres, est souvent oublié lorsqu’il s’agit de députés frondeurs ou d’anciens alliés devenus critiques.


Le macronisme ou la fabrique du vide

Le parti présidentiel, devenu Renaissance, est aujourd’hui une structure de plus en plus fermée, centralisée, dominée par les entourages présidentiels et les anciens de Bercy. Il ne reste presque rien des promesses de 2017. À force de purges, de démissions, d’affaires étouffées et de nominations entre proches, le macronisme ressemble moins à un mouvement de renouveau qu’à une mécanique de cour, où l’on règne sans partage, sans voix discordante, et où toute divergence est suspecte.

Le renouvellement promis s’est transformé en un entre-soi autoritaire, et les courtisans d’hier, pourtant choisis pour leur docilité, n’ont servi qu’un temps. La chute des uns annonce déjà l’effacement des autres. Car dans le royaume du monarque présidentiel, nul ne reste longtemps intouchable — sauf lui.



Rappel des sources :

  • Le Monde (2018). "La gestion de l'affaire Benalla, révélatrice d'un pouvoir flou."

  • Le Figaro (2020). "Les démissions et exclusions du camp macroniste : un renouveau qui se fissure."

  • Libération (2019). "François de Rugy et l’affaire des frais de représentation."

  • France 24 (2020). "Brune Poirson écartée du gouvernement : les coulisses d’un renvoi."

  • Mediapart (2019). "Jean-Paul Delevoye et la controverse sur ses mandats."

  • Le Point (2022). "Brigitte Bourguignon battue aux législatives : comment la majorité a abandonné ses ministres."

  • Le Huffington Post (2021). "Aurélien Taché : de la majorité à la dissidence."

  • Le Figaro (2021). "Laetitia Avia : les accusations de harcèlement moral au sein du parti."

Commentaires

  1. On attend un livre sur les purgés de la macronie

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  2. Ah oui. Le même que la meute, mais avec des vraies recherches, y'a moyen

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